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Abécédaire "amoureux" de Saint Martin Vésubie (Alpes-Maritimes)
19 avril 2010

J : comme Juifs

Tout à côté de la copropriété saint-martinoise, où je réside en période estivale, juste derrière le monument aux morts qui se trouve face à l'hôtel de la Châtaigneraie (cf. H... comme Hôtels) se cache une stèle commémorative relative à un épisode particulièrement dramatique (mais jusqu'à présent inconnu de moi, du moins avant que je puisse acquérir une résidence secondaire en ce village) de l'histoire de ce peuple : celui de l'exode d'un millier de Juifs, en septembre 1943, à partir de Saint Martin.
Ce village avait été choisi par les autorités italiennes d'occupation pour abriter un centre d'assignation à résidence de Juifs étrangers, et ce, afin de  les protéger, autant que faire se peut, du gouvernement de Vichy et des Allemands. Ce choix contribua à renforcer la colonie juive, déjà présente dans "la capitale" de la "Suisse niçoise".
Le village vésubien accueillit ainsi, en 1943, trois cents familles juives, pour la plupart originaires d'Europe centrale et orientale, qui furent logées dans une douzaine d'hôtels et de pensions ainsi que, pour les plus fortunées d'entre elles, dans des villas et chalets réquisitionnés par les autorités militaires.
Les "résidents" devaient se présenter deux fois par jour au poste de police italien et n'avaient pas le droit de quitter le village à l'intérieur duquel ils jouissaient d'une liberté à laquelle ils n'étaient plus habitués.
La place principale, face à l'Hôtel Régina (cf. H... comme Hôtels), servait de lieu de rencontre et d'échange de vues, les visites et rencontres étaient autorisées, une synagogue fut même construite (elle a été détruite depuis), une école et un hospice fonctionnaient, la vie culturelle était animée par de jeunes sionistes. La crainte faisait place à la sérénité, favorisant même la conclusion de mariages.
L'annonce de la capitulation italienne, le soir du 8 septembre, provoqua une inquiétude qui se mua rapidement en excitation : la trêve était terminée, la chasse à l'homme allait reprendre.
La majorité des "résidents" souhaita accompagner en Italie le repli déjà amorcé de la IV° Armée italienne, convaincue d'aller ainsi au devant des Alliés.
Les départs s'égrenèrent du 8 au 10 septembre 1943 ; ils concernèrent plus d'un millier de personnes qui suivit plusieurs itinéraires à travers la montagne. Le voyage fut mouvementé pour des citadins mal équipés devant évoluer en haute montagne avec chaussures de ville, valises, enfants dans les bras, qui durent passer deux nuits à la belle étoile, subir le froid, la pluie et le vertige.
Les survivants de cet exode le comparèrent plus tard à une "marche biblique", la "Mer Rouge" ayant fait place aux ravins du Mercantour.
Après des haltes dans les premiers hameaux italiens, la majorité des fugitifs comprit rapidement le danger constitué par une trop forte concentration dans ces lieux et commença à se disperser vers la plaine du Pô ou les vallées voisines afin d'éviter un coup de filet toujours possible de la part des Allemands installés à Cuneo depuis le 12 septembre. Ces derniers, informés de l'exode, décidèrent d'afficher des avis menaçant de mort tous les Juifs qui ne se seraient pas livrés avant le lendemain soir. Sur les survivants, dont certains moururent de froid dans les montagnes, 350 Juifs se rendirent et furent internés dans une vieille caserne des Chasseurs Alpins italiens, jusqu'au 21 novembre 1943. Puis un train déporta 330 d'entre eux vers Nice via Savone. Ils n'y séjournèrent malheureusement pas longtemps : dès le lendemain, des convois les transportèrent à Drancy, puis à Auschwitz, où seulement 9 survécurent à l'holocauste...!
Chaque année, au mois de septembre, les autorités politiques, religieuses et civiles rendent hommage aux victimes de cet épisode de la seconde guerre mondiale et de la barbarie nazie.
C'est toujours avec une grande émotion que j'y participe et écoute les discours officiels, les chants et les prières, même si, à l'époque des faits, je n'étais pas né et ne pratique pas cette religion.
De même, je ne suis ni un historien érudit ni un célèbre conteur. Mais si vous êtes intéressés par l'aventure de ces milliers de Juifs, je vous conseille vivement de lire "L'Etoile Errante", ouvrage écrit par notre dernier prix Nobel de littérature, j'ai nommé Jean-Marie Gustave Le Clézio, niçois d'origine, qui a su brillamment romancer ces instants et..., de manière plus sérieuse, les ouvrages ("La Pierre des Juifs", "Les Grands Visiteurs" et "La Vallée des Justes") de madame Danielle BAUDOT-LASKINE, historienne "locale" (elle possède depuis 1966 un chalet à Saint Martin) qui, intriguée puis passionnée par les récits des bergers et paysans du cru relativement au "temps des Juifs", a recherché, retrouvé et auditionné, une soixantaine de ces "résidents forcés et pourchassés", dont certains ont été cachés, protégés, logés et nourris par des villageois de Saint Martin, au risque d'être arrêtés et déportés.
Ses investigations, longues et difficiles, qui ont inspiré ses livres, lui ont permis de découvrir des Saint-Martinois généreux qui n'ont pas craint de cacher des Juifs durant l'occupation italienne puis allemande et de retrouver, à travers le monde, certaines des personnes sauvées et miraculées.
Les résultats de ses enquêtes présentés à l'Institut "Yad Vashem" de Jérusalem (dont le but est de perpétuer la mémoire des victimes de la Shoah, d'honorer les Justes des Nations et de tout mettre en œuvre pour que le Monde n'oublie jamais) ont, à ce jour, permis d'honorer six "Justes devant les Nations", une dizaine d'autres dossiers étant en cours d'examen !

CIMG0120

Et comme le rappelle, en hébreux, l'un des personnages du bouleversant roman historique "Elle s'appelait Sarah" de Tatania de Rosnay : "Zakhor Al Tichkah !" : "Souviens-toi, n'oublie jamais !".

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Commentaires
Abécédaire "amoureux" de Saint Martin Vésubie (Alpes-Maritimes)
  • Cet abécédaire n'est que la présentation, sous une forme originale, de mes sentiments sincères à l'égard de ce village d'altitude, lové au sein d'un parc naturel des Alpes du Sud et au sein duquel, depuis tout petit enfant, j'aime à y saluer ses habitants
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